Dole – 7 juin 2021
On m’a remis le Prix Louis Pergaud 2020 en mairie de Dole devant des institutionnels et des élus, des amis, des membres de ma famille et de nombreux représentants du monde associatif littéraire, culturel et sportif.

De gauche à droite : Philippe VIEILLE l’éditeur, Pierre GERARD, président du jury et moi-même
Le texte que j’ai lu à l’occasion de la remise de mon prix :
« Je vais vous raconter une histoire qui pourrait être arrivée.
Nous sommes en juin 1914. Louis Pergaud, jeune instituteur, traîne dans sa campagne franc-comtoise, un sac sur le dos. L’air est chaud d’un soleil estival. Au bord du chemin, il découvre une fillette qui le regarde de ses grands yeux incrédules sous la garde bienveillante de sa mère. Louis s’arrête et s’adresse à la petite :
— Eh bien, toi, comment t’appelles-tu ?
— Lisa, répondit-elle timidement
— Est-ce-que tu sais lire Lisa ?
— Non, Monsieur, pas encore, mais elle apprend, répondit la mère, couvrant les épaules de la petite d’un geste protecteur.
Louis ouvre alors son sac. Il en sort un livre qu’il tend à la mère. Sur la couverture, on peut en lire le titre, « La Guerre des Boutons », le livre qu’il a écrit deux ans auparavant.
— Tenez Madame, vous lui donnerez de ma part quand elle saura lire. Et vous lui expliquerez que l’amour des mots est l’un des plus beaux cadeaux que la vie puisse nous faire.
La mère prend délicatement le livre. D’un regard, sans un mot, elle remercie l’écrivain. Louis se remet en route, les quittant d’un signe de la main. Il n’imagine pas que dans quelques semaines l’Europe basculera dans le fracas et dans l’horreur. Il ne sait pas qu’il ne survivra pas à cet enfer.
Moi aussi, quand j’étais enfant, comme Lisa, un instituteur a croisé mon chemin. Il s’appelait Albert. Il m’a ouvert à la connaissance. Il m’a permis de découvrir ce merveilleux univers des mots. D’abord ceux des autres, ceux qu’on lit. Tous ces textes qui finissent par nous donner envie d’en créer nous-même. Puis les mots qu’on écrit. Pour être lu à notre tour.
Si Lisa n’avait pas rencontré Louis, si Albert n’avait pas éveillé ma curiosité, nous ne serions pas là aujourd’hui à l’occasion de cette remise du Prix Louis Pergaud. Que ce moment soit pour moi l’occasion de rendre hommage à ces artisans de la connaissance que sont les institutrices et les instituteurs. Ceux qu’on appelait jadis les maîtresses et les maîtres d’école. Sans eux, il n’y aurait rien de possible. L’amour des parents est important mais il ne suffit pas. Il en faut un peu plus pour nous amener à découvrir le monde et toutes ses richesses.
Si Louis Pergaud avait vécu un peu plus, au lieu de mourir en avril 1915 à l’âge du Christ, il aurait peut-être croisé le chemin d’une jeune femme. Elle se serait présentée à lui :
— Monsieur Pergaud, il y a trente ans, vous m’avez offert l’un de vos livres. « La Guerre des Boutons »
— Et vous l’avez aimé ? Madame…?
— Je m’appelle Lisa, Monsieur ! Oui, follement. Et depuis, j’en ai lu bien d’autres
— Et que faites-vous de votre vie à présent, Lisa ?
— J’enseigne. J’apprends à lire et à compter à de jeunes enfants. Je les prépare à la vie
— Alors, je suis heureux de vous avoir rencontré Lisa. Que mon livre ait au moins servi à cela…
On ne saura jamais si cette histoire ne s’est pas réellement passée. Avec les mots, vous savez, tout est toujours possible…
Pour terminer, comment ne pas vous dire à quel point je suis profondément touché par ce Prix Louis Pergaud qu’on me remet aujourd’hui. Le Bourguignon d’origine que je suis, arrivé dans cette ville de Dole il y a un peu plus de 30 ans, se sent maintenant complètement Franc-comtois et auteur franc-comtois. Quant à Dole, elle est une ville où l’on vit bien et où il y fait bon écrire… »
Michel BRIGNOT